Dans le monde actuel où nos données personnelles sont éparpillées à travers d’innombrables plateformes, garder une vision globale et une entière maîtrise sur les informations que nous partageons peut s’avérer complexe voire impossible. D’ailleurs, les enquêtes le montrent bien : cette dispersion des données soulève des préoccupations majeures auprès de la population. Selon les sondages conduits par des instituts tels que Wakefield Research aux États-Unis ou le Centre for Data Ethics and Innovation au Royaume-Uni, une grande majorité de la population estime qu’ils ont perdu le contrôle sur l’usage et le partage de leurs données personnelles. Cette proportion s’élève même à plus de 80% aux Etats-Unis !
Face à ce déséquilibre de pouvoir entre les individus et les collecteurs de données, de nouvelles technologies ont fait leur apparition, tels que les systèmes de gestion des informations personnelles (Personal Information Management Systems, ou PIMS en anglais). Ces plateformes, également connues sous le nom de magasins de données (data stores) ou de coffres-forts numériques (digital safes), proposent une solution sécurisée pour stocker et gérer nos données personnelles. Elles offrent aux individus une interface le plus souvent centralisée pour contrôler l’accès à leurs informations et leurs modalités de partage.
Ces nouvelles plateformes, qu’elles soient à but lucratif ou commercial, ont fait émergé au cours des dernières années un véritable marché en ligne autour du contrôle des données par les individus eux-mêmes. À ces initiatives s’ajoutent d’ailleurs des outils qui permettent comme BigID et Mine d’exercer son droit à l’effacement des données personnelles. Il s’agit d’un droit garanti par de nombreuses législations à travers le monde (RGPD en Europe par exemple) qui demeure encore très difficile à appliquer concrètement tant nos traces numériques demeurent persistantes.
Dans cet article, nous vous proposons donc de découvrir plusieurs plateformes qui offrent la possibilité de garder un contrôle sur nos données personnelles tout en nous assurant que les usages qui en sont faits sont conformes à nos valeurs et à nos intérêts.
Des plateformes de contrôle des données personnelles
DigiMe de l’initiative World Data Exchange est un système de gestion des informations personnelles qui fournit aux utilisateurs un espace sécurisé en ligne dans lequel ils peuvent rassembler leurs propres données et les partager avec des applications et des entreprises intégrées à la plateforme. À travers DigiME, les utilisateurs peuvent importer des données les concernant à partir de nombreux fournisseurs tels que les plateformes de médias sociaux. Les données sont cryptées dans l’application et stockées dans un nuage personnel de son choix (par exemple Dropbox, Google Drive, etc.). Les individus sont alors en mesure de contrôler quelles données les concernant sont partagées avec des entreprises privées.
BitsaboutMe est une application développée en Suisse qui permet aux consommateurs de mieux suivre leurs comportements d’achat tout en profitant de récompenses. À travers cette application, les individus peuvent scanner leurs tickets de caisse lors de leurs achats et connecter ces données à des programmes de fidélité de commerçants en Suisse. Ce système leur offre également des rapports analyses automatisées sur la composition et la durabilité de leurs achats. De plus, les utilisateurs sont récompensés en argent lorsqu’ils partagent leurs données d’achat. Pour ce faire, ils peuvent télécharger des tickets de caisse électroniques ou prendre en photo leurs tickets de caisse papier chez les détaillants qui n’acceptent pas les programmes de fidélité.
CitizenMe est une plateforme commerciale qui permet aux utilisateurs de prendre le contrôle de leurs informations personnelles tout en en tirant des bénéfices. CitizenMe offre aux utilisateurs la possibilité de gérer et de contrôler leurs propres données personnelles. Les utilisateurs peuvent décider quelles informations ils souhaitent partager et avec qui. Une caractéristique distinctive de CitizenMe est la possibilité pour les utilisateurs de monétiser leurs propres données. Cela signifie que les utilisateurs peuvent choisir de partager leurs données avec des entreprises intéressées en échange de compensations financières ou d’autres avantages. La plateforme propose également des outils d’analyse qui fournissent aux utilisateurs des informations sur leurs propres habitudes et comportements en ligne, les aidant ainsi à mieux comprendre comment leurs données sont utilisées.
Geens est une plateforme de données sécurisée construite par une organisation à but non lucratif basée en Hollande et en Belgique. Toute personne peut s’inscrire sur Geens et rejoindre la communauté pour commencer à partager des données. Les contributeurs de données bénéficient d’une plate-forme pour stocker des données de manière à préserver leur confidentialité. Des fournisseurs de services et d’applications peuvent accéder aux données partagées par les fournisseurs seulement avec leur autorisation. Ce sont les contributeurs qui choisissent quelles informations ils partagent et avec qui, et ce via la plateforme. Geens propose des options d’abonnement gratuites et payantes pour les utilisateurs selon leurs options de stockage et de partage des données. Geens étant une organisation à but non lucratif, tous les revenus générés et excédant les coûts opérationnels sont reversés aux membres via un système de récompenses et bénéfices.
Recevoir des bénéfices en contrepartie de nos données ?
Comme on le voit à travers les exemples précédents, l’évolution actuelle du marché des plateformes de contrôle de données personnelles s’oriente très clairement vers la production de bénéfices tangibles pour les individus en échange du partage de leurs données. Ces modèles visent bien sûr à donner aux utilisateurs un plus grand contrôle sur leurs informations personnelles mais aussi à les récompenser financièrement ou à travers des avantages en nature.
Que pensez du fait que le partage de données personnelles s’inscrit presque systématiquement dans une logique transactionnelle désormais ? Bien sûr, grâce à l’offre de récompenses, on peut attendre de cela que davantage d’individus acceptent que leurs informations soient utilisées pour produire de la valeur dans le cadre de projets d’intérêt public. Toutefois, on imagine bien que tous les projets au service de bien commun (par exemple les initiatives de recherche publique) ne sont pas en mesure de compenser financièrement les individus en contrepartie du partage de leurs données. Que devient finalement l’altruisme et le don de données dans ce cadre ? Voici encore une question à méditer…