On entend souvent dire que les données sont un bien public ou un bien collectif et que, s’ils elles doivent être bien protégées, leur utilisation devrait tout de même bénéficier au plus grand nombre et à la société.
Mais qu’implique réellement de considérer les données comme un bien public ? Pour y répondre, nous allons retourner aux sources de ce concept, en abordant la théorie économique, pour explorer par la suite comment faire des données un véritable bien public même quand elles sont d’emblée cloisonnées.
L'économie définit un bien public
En sciences économiques, on dit qu’un bien est public lorsqu’il est non excludable et non rival, deux termes sommes toutes assez techniques.
Un bien public est non excludable car ses utilisateurs ne peuvent empêcher d’autres personnes d’y accéder, par exemple à travers un prix à payer ou une restriction à l’utilisation.
Un bien public est aussi non rival car le fait qu’une personne l’utilise ne réduit pas sa disponibilité pour d’autres personnes. Par conséquent, un bien non rival peut être utilisé par plusieurs personnes à la fois.
Ceci contraste avec les biens communs. Toujours selon la théorie économique, un bien commun est un bien non excludable mais rival. Pensons pas exemple à un lac public où tout le monde est autorisé à pêcher. Il n’y a nul barrière à l’accès, mais pour autant, le poissons pêché par un tel ne pourra pas être récupéré par un autre.
Finalement, que sont les biens publics ? Pensons tout d’abord à des biens immatériels comme la connaissance, la langue, la sécurité. Mais aussi à des biens physiques comme les parcs ou les routes publics. Les biens publics constituent notre patrimoine collectif, qu’il soit culturel ou naturel. Mais que se passe-t-il dans le monde numérique ?s
Les biens public numériques
Aujourd’hui, la notion de bien public numérique a fait bien du chemin. Il existe même une Alliance internationale qui lui est dédiée et qui produit nombre de ressources pour favoriser l’équité et la diversité dans l’usage des données et des innovations numériques et dans la juste répartition de leurs bénéfices.
Au niveau des Nations-Unies, la notion de bien public numérique est maintenant intégrée aux objectifs de développement durable. La feuille de route onusienne met d’ailleurs l’emphase sur des actions centrales :
- Établir une définition et une compréhension communes de la notion de bien public numérique, car aujourd’hui ce terme regroupe énormément de ressources et d’outils : logiciels open source, données ouvertes, systèmes d’IA publiés, standards et normes disponibles pour tous, etc.
- Mettre en place une plateforme mondiale des biens publics numérique qui favorise leur recensement et leur partage pour le plus grand nombre
- Promouvoir l’inclusion de cadres de gouvernance fondés sur le respect des droits humains et des lois et normes internationales dans la conception, l’utilisation et la diffusion des biens publics numériques
- Investir massivement dans le développement de ces biens et renforcer la coordination entre les organisations et les nations
- Mettre effectivement les biens publics numériques au service de l’atteinte des objectifs de développement durable
Données privées et données publiques
Dans la notion de bien public numérique on voit d’emblée apparaître une tension : est-ce que seules les données ouvertes, disponibles et accessibles à toutes et tous sont considérées comme des biens publics ? On bien la notion de bien public s’applique-t-elle également à des données qui sont encore cloisonnées mais dont l’ouverture permettrait de servir le bénéfice public.
De notre côté, c’est bien la seconde acception que nous défendons pour définir la donnée comme un bien public.
En effet, une donnée n’a pas besoin d’être entièrement ouverte pour être un bien public. Et en cela, la notion française de données d’intérêt général nous semble très intéressante. Selon la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016, les données d’intérêt général sont des données de nature privée, dont la publication et la circulation peuvent se justifier en raison de leur intérêt pour améliorer les politiques publiques.
Dans sa Charte des données, la ville de Nantes, en France, a d’ailleurs défini le concept de “données d’intérêt métropolitain”. Ce sont des données détenues par les acteurs privés qui “sont susceptibles de revêtir un caractère d’intérêt général dans la mesure où elles peuvent contribuer utilement à la connaissance des dynamiques du territoire et à la mise en œuvre des politiques publiques”.
Inspirant, n’est-ce pas ?