Un métavers éthique est-il possible ?

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Image élaborée par Freepik

Les nouvelles technologies n’ont de cesse de soulever des questions éthiques que le droit et les lois actuelles ont bien du mal à trancher : propriété des biens virtuels, comportements immoraux en ligne, punition des auteurs de deep fakes, statut des avatars 3D, etc. Sans parler de la question de la propriété des données numériques que nous partageons souvent malgré nous et qui peuvent être utilisées sans notre contrôle.

Avec l’essor du métavers, les enjeux éthiques autour des espaces virtuels ne sont que décuplés. Car les mondes immersifs en 3D alliant réalité virtuelle (VR), réalité augmentée (AR), jeux vidéo et réseaux sociaux n’ont pas fini de nous surprendre et de nous préoccuper. Bien que nous ne connaissions pas exactement ses impacts sur notre société, il est grand temps de  s’intéresser aux problématiques que le métavers soulève pour nos droits et libertés. 

Une réplication du monde réel… et de ses abus !

Le métavers n’est pas un concept nouveau. Le terme a été inventé par le romancier de science-fiction Neal Stephenson dans son livre de 1992, Snow Crash, qui dépeint une dystopie hypercapitaliste dans laquelle l’humanité a collectivement opté pour la vie dans des environnements virtuels. 

Jusqu’à présent, l’expérience n’a pas été moins dystopique que prévu. La plupart des expériences avec des environnements numériques immersifs ont été entachées d’intimidation, de harcèlement, d’agressions sexuelles et de tous les autres abus que nous sommes venus à associer aux plateformes numériques.

Qui plus est, étant donné la présence accrue des enfants et des adolescents sur le web, l’inquiétude face au métavers est grandissante parmi les parents et les enseignants. Avec la pandémie et l’accélération de l’enseignement à distance, nous avons vanté le potentiel des plateformes en ligne. Les jeux vidéo ont alors acquis un blanc-seing en étant présentés comme des distractions légitimes permettant de resserrer les liens entre les jeunes.

Mais comment s’assurer de garder le contrôle sur des espaces en 3D où les contours entre réel et virtuel sont de plus en plus minces ?

Le statut incertain de nos bien virtuels

En parcourant les publications sur le métavers, nous découvrons les questionnements qui travaillent les experts et éditorialistes : Peut-on tuer dans le métavers ? Est-ce que la cyber-tromperie existe ? Que signifie voler un objet virtuel ? Toutes ces questions peuvent paraître un peu farfelues, et pourtant elles sont bien au centre des préoccupations.

Prenons l’exemple du statut des biens acquis dans un univers en 3D. En 2021, une société d’investissement a acheté 2000 acres de biens immobiliers pour une somme d’environ 4 millions de dollars américains. Tout cela pour un terrain virtuel acquis sur la plateforme The Sandbox. En payant 792 jetons non fongibles (NFTs) sur la blockchain de crypto-monnaie Ethereum, la firme possédait alors l’équivalent de 1200 blocs de maisons. Mais que constitue une telle propriété ? La réponse des juristes n’est pas rassurante…

«Je crois que ce que de nombreuses entreprises appellent « propriété » dans le métavers n’est pas la même chose que la propriété dans le monde physique, et les consommateurs risquent d’être escroqués.», écrit le professeur Joao Marinotti dans un article de La Conversation paru en avril 2022. 

En effet, ce n’est pas le droit foncier qui s’applique dans le métavers mais le droit des contrats. Ceci signifie que nos actifs virtuels sont finalement soumis au bon vouloir des plateformes qui les hébergent. Vous pourriez vous retrouver du jour au lendemain exclu d’une plateforme et sans aucune terre ou actif dans votre portefeuille. Et donc, il vaut mieux bien lire les «termes et conditions» des sites Internet avant de vous lancer dans de tels investissements.

Le métavers, un farwest capitaliste ?

Il faut se rendre à l’évidence : aujourd’hui, la plupart des lois qui s’appliquent dans le monde réel et de plus en plus sur les réseaux sociaux n’ont que peu d’emprise dans les univers immersifs. Et l’on ne parle pas seulement du contrôle des comportements ouvertement abusifs comme le cyberharcèlement et l’incitation à la haine raciale. Dans le métavers, le marketing et la publicité n’ont guère de limite.

Au sein des univers immersifs, les marketeurs ne sont pas confinés aux publicités sur écrans plats. Ils disposent de tout un univers virtuel pour créer des expériences en 3D pour les entreprises et les marques qu’ils représentent. En 2019, Burger King a d’ailleurs lancé une campagne publicitaire en réalité augmentée où les clients pouvaient avec leur cellulaire brûler les publicités des concurrents, ce qui leur rapportait un hamburger gratuit. Et l’on ne parle ici que de réalité augmentée par de métavers…

Lors de l’intégration de publicités dans un espace immersif, il est important de prendre en compte l’impact sensoriel de l’expérience utilisateur. Des exemples d’hyper-réalité comme celui ci-dessous montrent à quel point les publicités superposées à l’expérience client peuvent être écrasantes et intimidantes. La surcharge sensorielle peut déclencher des crises chez certaines personnes sensibles comme celles qui souffrent d’épilepsie. Sans parler de l’impact de tous ces stimuli à long terme sur nos comportements d’achat et nos relations affectives.

La collecte de nos données biométriques et physiologiques

Grâce aux lunettes de réalité virtuelle qui permettent d’accéder au métavers, les entreprises peuvent suivre nos mouvements oculaires, nos expressions faciales, nos mouvements corporels et nos réactions physiologiques telles que notre battement cardiaque. Il s’agit de données personnelles considérées dans de nombreuses juridictions comme des informations sensibles qui nécessitent un degré supérieur de protection. Toutefois, le métavers demeure largement dénué de réglementation, de sorte que les menaces à la confidentialité et à la vie privée sont pléthores. 

Dernièrement, le Financial Times annonçait que la firme Meta, nouvelle figure de Facebook, avait déposé plusieurs brevets sur des technologies capables de mesures les mouvements oculaires et les expressions faciales dans le métavers. Une question parmi bien d’autres se pose : est-ce acceptable de pouvoir breveter des technologies qui utilisent des données biométriques aussi sensibles sans qu’un utilisateur en sache vraiment les conséquences ?   

Contrer le pouvoir des géants sur le métavers ?

Meta a aussi annoncé récemment un investissement de 10 milliards de dollars dans le développement de la réalité virtuelle et la conversation de ses réseaux sociaux vers des espaces immersifs. Les autres GAFAM ne sont pas en reste : Microsoft vient d’acquérir l’entreprise de jeux vidéo Activision Blizzard (éditrice de World of Warcraft) et Google a créé un fonds d’investissement de 39,5 millions de dollars pour investir dans des projets de métavers. La transformation rapide du web traditionnel en un espace en 3D semble inéluctable.

Ceci n’implique pas forcément que le métavers doive devenir un espace monopolisé par quelques multinationales ultrapuissantes, comme l’est actuellement Internet. Un modèle de gestion décentralisée peut aussi voir le jour, comme le proposent les partisans des Organisations numériques autonomes (Digital Autonomous Organisations ou DAO en anglais). 

«Une DAO est une entité dirigée par la communauté sans autorité centrale. Elle est totalement autonome et transparente. Les contrats intelligents (c’est-à-dire les codes auto-exécutables) établissent les règles fondamentales, exécutent les décisions convenues et, à tout moment, les propositions, les votes et même le code lui-même peuvent être audités publiquement. Un DAO est entièrement régi par ses membres individuels qui prennent collectivement des décisions critiques sur l’avenir d’un projet (comme les mises à niveau techniques) ou de la communauté (comme les allocations de trésorerie ou le travail pour une cause mutuelle).» Merav Ozair sur Nasdac.com

Un modèle éthique de métavers est donc possible. Il implique de bâtir des standards clairs et partagés, de s’appuyer sur des technologies avancées de protection de l’information et d’adopter des modèles de gestion des communautés numériques qui favorisent l’auto-gestion et le pouvoir distribué.

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