Le 3 décembre 2021, le ministre de la Santé et des Services Sociaux, Christian Dubé, déposait le projet de loi 19 sur les renseignements de santé et de services sociaux, portant des propositions ambitieuses pour favoriser l’accès et l’utilisation des données de santé au Québec. Ce projet de loi est mort au feuilleton en juin 2022, mais il a été déposé nouvellement le 7 décembre dernier comme étant le projet de loi 3 par le ministre de la Cybersécurité et du Numérique, Éric Caire, sous une nouvelle mouture.
Dans cette publication, nous vous proposons de découvrir les avancées principales de ce nouveau cadre législatif pour les renseignements de santé, en particulier concernant l’accès aux données pour des fins de recherche. L’idée étant de voir comment la Loi 5 adoptée en avril 2023 vient favoriser la valorisation responsable et la mobilisation entre institutions des renseignements de santé dans notre réseau.
Favoriser l'accès aux données de santé
Pour les professionnels de la santé
Selon la loi 5, tout intervenant qui est un professionnel au sens du Code des professions pourrait avoir accès aux données de santé d’une personne dans le cadre de l’exercice de son activité de soin ou de service. Un professionnel de la santé pourrait ainsi suivre la trajectoire d’un patient, connaître rapidement ses antécédents, prescriptions, allergies, etc. grâce à l’accès au système national de dépôt de renseignements.
Ce système de dépôt, préfigurant un Dossier Santé Numérique à l’échelle provinciale, contiendrait toutes les informations relatives au dossier des usagères et des usagers (ordonnances, soins, consentements, directives médicales, etc.) ainsi qu’un système permettant l’accès aux différents professionnels de santé et à la prise de rendez-vous.
Il s’agit là d’une proposition prometteuse et bénéfique pour favoriser la sûreté et l’efficacité des soins et garantir aux professionnels d’avoir accès, en temps opportun, à toutes les informations pertinentes pour prendre les meilleures décisions en concertation avec les patientes et patients.
Pour les chercheuses et chercheurs
Au Québec, le principe du consentement manifeste, libre et éclairé pour le partage des données de santé demeure central et prépondérant. Toutefois, des exceptions à la demande d’un consentement sont prévues par le projet de loi, notamment pour les projets de recherche dûment autorisés et remplissant un certain nombre de conditions, dont la difficulté notable de solliciter un consentement individuel pour la réalisation d’un projet.
Les chercheuses et chercheurs des organismes du secteur de la santé, des établissements publics et des établissements privés conventionnés exploitant un centre hospitalier se voient bénéficier d’un accès facilité aux données de santé. Pour un accès sans consentement, ils se doivent de déposer une demande auprès du plus haut responsable d’un établissement (PDG), lequel peut autoriser l’accès aux renseignements demandés sous certaines conditions, même lorsque ces renseignements ne se trouvent pas seulement dans son établissement mais aussi dans un autre organisme. Il suffit au plus haut responsable de consulter son homologue dans cet organisme pour valider l’autorisation d’accès. Un tel mécanisme simplifie grandement l’accès aux données au service d’une recherche bénéfique pour l’avancée et la diffusion des connaissances scientifiques dans l’ensemble du réseau de la santé et des services sociaux.
Les autres chercheuses et chercheurs, du privé par exemple, devront s’adresser à un centre d’accès pour la recherche afin de solliciter l’utilisation de données pour des projets autorisés. Tout comme les chercheurs universitaires, leur demande devra remplir plusieurs conditions dont celle de respecter des critères de sécurité et de respect de la vie privée, par exemple à travers la conduite d’une Évaluation des facteurs relatifs à la vie privée et la conclusion d’une entente avec l’institution fiduciaire des données de santé.
Le projet de loi n’indique pas quel organisme jouera le rôle de centre d’accès. Mail il précise que le centre pourra être secondé par un ou plusieurs organismes tels que définis par la Loi sur la gouvernance et la gestion des ressources informationnelles des organismes publics et des entreprises du gouvernement. Ceci signifie notamment que des centres hospitaliers moteurs de la valorisation des données dans la province du Québec pourront jouer un rôle central aux côtés du centre d’accès pour la recherche.
Pour les patientes et patients
La Loi 5 affirme des droits essentiels pour les patients. Il s’agit par exemple :
- Du droit de toute personne d’être informée de l’existence de tout renseignement de santé la concernant sauf si un professionnel de santé s’y oppose momentanément ;
- Du droit d’être informée du nom de toute personne ou groupement qui a accédé à ses renseignements ;
- Du droit de demander la rectification d’un renseignement inexact, incomplet ou équivoque ;
- Du droit de refuser l’accès à ses renseignements pour certaines finalités ou par certaines personnes, telles que des chercheurs non liés à un organisme du secteur de la santé, à un établissement public ou à un établissement privé conventionné qui exploite un centre hospitalier. C’est le cas par exemple des chercheurs privés.
Assurer une bonne gouvernance de l'information
La Loi 5 introduit de nouvelles responsabilités pour les organismes du secteur de la santé et des services sociaux afin d’assurer une bonne gouvernance de l’information.
Parmi ces responsabilités, plusieurs ont trait à l’information des citoyennes et des citoyens dans un objectif de transparence et de reddition de compte :
- Journalisation des utilisations et des communications des données, et transmission d’un rapport au ministre de la Santé et des Services Sociaux ;
- Élaboration et publication par l’organisme d’une politique de gouvernance des renseignements de santé informant notamment sur les rôles et responsabilités des personnes chargées de la gestion des données, ainsi que sur les processus de traitement des incidents de confidentialité et des plaintes ;
- Établissement d’un registre de tous les produits et services technologiques utilisés par l’organisme, et publication de ce registre sur le site Internet de l’organisme.
S’ils sont adoptés, ces mécanismes d’information et de reddition de compte constitueront un pas en avant notable. Ils concourent à bâtir une relation de confiance avec la population autour de l’utilisation responsable des données de santé avec l’acceptation et l’engagement des patientes, patients et du public.