On le sait, le consentement demeure encore la pierre angulaire de nos systèmes de partage des données personnelles. Ceci est vrai au Québec comme dans d’autres provinces et territoires du Canada, et même à l’international. Dans cette perspective, ne pourrait-on pas donner plus de sens au consentement en faisant en sorte qu’il nous permette véritablement de contrôler les usages effectifs de nos données ?
Aujourd’hui, l’acte de consentir au partage de nos données personnelles ressemble un peu au jeu de quitte ou double. Ou l’on refuse de consentir et l’on se retire, ou l’on accepte de partager et l’on doit se fier entièrement aux utilisateurs de données. Si les instances réglementaires nous disent qu’un consentement valable sur le Web est un consentement informé, éclairé et granulaire, le plus souvent, nous partagons énormément d’informations en un simple clic, et ce à un nombre impressionnant de personnes en même temps.
Et si la blockchain nous permettait de révolutionner le mécanisme de consentement de telle manière qu’elle donne lieu à un partage transparent, sécurisé, auditable et révocable de nos données personnelles ?
C’est ce que nous allons explorer dans cet article en vous démontrant comment la technologie de la blockchain pourrait réinventer le consentement à l’ère numérique.
Un consentement réinventée par les chaînes de blocs
Sur le Web, nous consentons généralement au partage de nos données sur chaque application ou sur chaque site Internet. Nos choix sont alors enregistrés par le fournisseur de service auquel nous devons forcément nous fier pour respecter nos droits et suivre la Loi. En effet, nous sommes difficilement en mesure de contrôler toutes les actions des personnes que nous avons autorisées à utiliser nos informations personnelles.
Avec la blockchain, tout cela peut radicalement changer. Les chaînes de blocs permettent une gestion du consentement beaucoup plus précise et granulaire : en tant que propriétaire de données, nous pouvons spécifier des droits d’accès et d’utilisation particuliers (droits de lecture ou d’édition, par exemple) et décider de la durée de validité de notre consentement en temps réel (un clic suffit pour révoquer le partage).
Nos choix de partage de données sont stockés sur les blocs de la chaîne sous une forme encryptée, et quiconque accède à nos données laisse également une trace sur ces blocs. Dès lors, les accès et les utilisations de nos données sont gravés dans le marbre numérique aussi longtemps que nous le souhaitons et sans possibilité d’alteration par un tiers non autorisé (on parle alors de l’immutabilité de la technologie des chaînes de blocs).
En conséquence, la blockchain offre une transparence et une traçabilité difficilement égalables pour la gestion du consentement. Chaque décision de partage de données est enregistrée de manière sécurisée et immuable, ce qui permet des audits éthiques et réglementaires plus rigoureux. Cette traçabilité est bien suceptible de renforcer notre confiance dans le partage des données, ce qui peut bénéficier à des projets au service du bien commun, tels que la recherche.
Vers une recherche impulsée par le prosentement
L’intégration de la blockchain dans la gestion du consentement en recherche pourrait ouvrir la porte à de nouveaux modèles de partage de données. Des chercheurs européens, autour du Danois Sebastian P. Mann, parlent même du passage à l’ère du prosentement, en remplacement du traditionnel consentement. Mais de quoi s’agit-il ?
Le concept de prosentement (ou prosent, en anglais) traduit le projet de monter une plateforme proactive et dynamique où tous les acteurs impliqués dans la recherche peuvent participer au partage de données et à la prise de décision de manière plus engagée et éclairée.
Plutôt que d’être une simple autorisation passive, le prosentement permet aux participants de jouer un rôle actif dans la recherche. Ils ne se contentent pas de décider qui peut accéder à leurs données ; ils ont également la possibilité d’influencer directement la direction et les objectifs de la recherche. Dans le domaine de la santé, par exemple, cette approche proactive peut faciliter une collaboration plus étroite entre les patients et les chercheurs, favorisant ainsi une dynamique de recherche plus inclusive et participative.
Selon Mann et ses collègues, l’adoption du prosentement à travers la technologie blockchain touche en fait à des principes fondamentaux de la bioéthique que sont la justice, la bienfaisance et l’autonomie. En permettant aux patients un contrôle accru sur leurs données, la blockchain renforce leur autonomie. Ce contrôle renforcé, associé au soutien donné à la recherche médicale, contribue à la bienfaisance, augmentant l’efficacité de la recherche et accélérant potentiellement les découvertes médicales. Finalement, le prosentement favorise la justice en assurant un accès plus équitable aux projets de recherche, notamment pour les patients atteints de maladies rares ou sous-représentées dans la recherche traditionnelle.